L’amont invisible, le visible puis l’aval invisible. Je venais de découvrir que mon impact ne se limitait pas à ce que je voyais. J’étais presque satisfait de ce premier pas quand une autre question a surgi dans ma tête : pour quelle raison les choses sont-elles comme elle-sont ? Attention il ne s’agit pas de la question philosophique du pourquoi des choses mais bien de la question pratique beaucoup plus terre à terre : pourquoi a-t-on besoin de près de 300 grammes de plastique (visibles) pour apporter 8 grammes d’encre dans mon imprimante.
Cela m’a ramené à mes très jeunes années où j’avais appris à écrire à l’aide d’un porte-plume que je trempais dans un encrier en porcelaine. L’encre arrivait alors dans mon école en bouteilles (de mémoire d’1/2 litre) que le maître mettait dans l’encrier. Très rapidement était arrivé le stylo à cartouche. Cartouche en plastique jetable après usage mais que je remplissais une fois vide à la seringue en pompant l’encre dans des petites fioles (à l’époque par souci d’économie plus que par souci écologique). Mais tous mes camarades préféraient les cartouches jetables car plus commodes (d’autant que les encriers en porcelaine avaient disparus).
Bref première raison du suremballage : la praticité, les maîtres n’avaient plus à remplir les encriers et les cartouches étaient simples d’usage (en même temps que pas très chères, il fallait vraiment que je sois radin pour remplir les miennes à la seringue).
Vous me direz que le niveau technologique pour remplir un stylo à la seringue n’est pas le même que pour faire un jet d’encre calibré dans une imprimante… Certes sauf qu’il existe des systèmes d’impression où l’encre est pompée dans des réserves et où les 24 grammes de plastique et d’électronique jetables de ma cartouche (voir mon billet précédent) sont réutilisés. Mais alors pourquoi diable jeter à chaque usage ces 24 grammes. La réponse est double mon bon monsieur c’est simple pour l’utilisateur (on l’a vu) mais c’est aussi une manière pour les fabricants d’imprimantes d’augmenter et sécuriser leur chiffre d’affaires.
En effet le modèle économique des fabricants d’imprimante est simple. Inonder le marché d’imprimantes quasi gratuites à l’achat (« une personne une imprimante » était un slogan en vogue dans les années 1990) et se rattraper sur la vente de consommables (les cartouches). Du coup il est clair que là où le consommable pourrait ne pas coûter cher (8 grammes d’encre) il convient pour rentrer dans ses fonds de vendre avec lui un environnement « indispensable » et « simple ».
J’en arrivais ainsi à la notion de modèle économique qui génère du revenu au travers du gaspillage. Et oui il est clair qu’un fabricant d’imprimante génère plus de marge au travers des emballages jetables que de l’encre ou des machines. Ce qui est choquant dans ce système ce n’est pas tant le modèle de l’usage (qui peut être très vertueux) mais de la façon dont cet usage gaspille des ressources et produit des déchets au nom de la simplicité. Je ne suis pas loin de penser que notre économie carbure au gaspillage…
Voilà donc le cadre minimal au travers duquel j’analyse maintenant mon impact :
- Quelles ressources en amont,
- Quels déchets en aval,
- Selon quel modèle économique de « gaspillage » au nom de d’une fonction qui m’est apportée.
Et on le verra dans mes billets futurs, il est nécessaire de bien considérer ces 3 aspects à la fois et pas uniquement un seul au risque de passer à côté de l’essentiel…